Les violences sexistes et sexuelles, comment évoquer le sujet en famille ?
Parler de violences sexistes et sexuelles avec ses parents n’est pas toujours une tâche évidente. Des incompréhensions de générations et des oppositions éducatives se posent frontalement en obstacles de taille, tout comme les différentes formes de sexisme intériorisés propres à chacun.
Pour les miens, cette discussion est passée ardemment par la crispation autour du cas Gérald Darmanin et des accusations de violences sexuelles à son encontre.
Pour mon père, ces accusations n’étaient pas nécessairement un sujet, tandis que pour ma mère le simple fait de voir le ministre à la télévision la crispait. Un fossé existe en plus de celui du gap de generation, à savoir le fossé du genre puisque ma mère était bien plus sensible aux témoignages de violences sexistes et sexuelles dans toutes les sphères que mon père.
Si je parle de ce cas propre à ma famille c’est parce que la situation a bien évolué depuis 2019 et que je suis aujourd’hui bien plus à l’aise d’en parler avec eux . Les positions de départ ont changé avec le temps mais aussi avec la prise de conscience à laquelle mon père est confronté depuis plusieurs années maintenant. Ce changement ne s’est évidemment pas fait du jour au lendemain, ni grâce à une formule toute prête et proche du miracle, mais grâce surtout aux nombreux sujets et enquêtes faites par les médias.
Parce que mon père, né en 1961 dans les Vosges, est une tête dure parfois dépossédé de sa corde sensible et de son empathie naturelle. Parler de viol et d’agression sexuelle ou bien encore de l’omniprésence du sexisme et de l’harcèlement sexuel avec lui fût longtemps été une grande source de conflits et d’engueulades où personne ne sortait vainqueur. J’imagine que ce sujet qui touche à l’intime provoque de nombreux remous dans un grand nombre de foyers mais je n’ai pas voulu céder pour autant et le nouvel élan accordé par la pop culture m’a aidé à mieux l’expliquer et le décortiquer auprès de mon père et de mon frère.
Au cours de ce qui s’apparente à un chemin de croix, j’ai pu compter sur des soutiens précieux dans les personnes de ma mère ou de l’une de mes tantes car elles ont toutes les deux participé à ma bataille de l’intime, et ont rendu ma position de féministe agressive de la famille beaucoup plus supportable au quotidien. Ma mère a lu quelques-uns des livres de ma très grosse bibliothèque féministe personnelle et a su mieux articuler sa propre réalité dans le monde professionnel du bâtiment. On avait construit jour après jour un vocabulaire commun qui réunissait nos expériences, nos réflexions et nos indignations, ma mère était belle et bien ma bataille.
Parler de tout ça a permis de révéler aussi mes expériences de violences sexuelles que j’ai subi depuis le début de ma vie sexuelle, ça m’a aidé de voir que le terrain était plus propice et que je ne ferais pas face à des visages fermés ou à des commentaires violents. Je sais que la déconstruction progressive des préjugés sexistes et stupides que suit mon père est en partie liée à France Inter et au Monde, dont le travail tentaculaire révèle à quel point ces violences sont systémiques. Bien qu’il ne soit pas (encore) un homme idéal dans cette société qui lutte pour se débarrasser du patriarcat, je vois les efforts qu’il a opéré et je sens que mon frère lui suit le même chemin par sa sociabilisation étudiante de gauche.
En 2025, ma famille arrive à parler de violences sexistes et sexuelles plus facilement, le sujet ne crispe plus autant et je me sens moins seule à dénoncer les injustices patriarcales flagrantes de notre pays. Il est évident que je n’attends pas les mêmes choses de la part des hommes que je fréquente dans mon intimité que de la part de ma famille, mais ça aide de savoir que je peux désormais tout dire et que je serais écoutée.