La justice ne peut pas tout

Par le collectif Nous Toutes

Depuis septembre 2022 je suis engagée dans une procédure judiciaire pour viol en réunion, à propos de faits ayant eu lieu le 12 septembre 2022.

Mon dossier a dû être transféré et envoyé d’une région à une autre, puis être classé sans suite, avant de finalement atterrir sur le bureau d’un juge d’instruction près d’un an et demi plus tard. Comme beaucoup de femmes, j’ai notamment eu le droit à des jugements de la part de policiers, ainsi que plusieurs soi-disant conseils qui ne cherchaient qu’à me culpabiliser.

Au cours de cette procédure toujours en cours, j’ai également été intimidée par certains proches de mes agresseurs au prétexte d’avoir raconter les faits sur mes réseaux sociaux. Mois après mois, beaucoup de choses fausses et dures ont donc circulé à mon propos, notamment après avoir retiré ce fameux tweet. En effaçant je ne cherchais pas à changer d’avis comme on peut le croire, mais je voulais d’abord me concentrer sur tout ce qui était de mon ressort et de ma volonté, en l’espèce mes projets professionnels et ma santé mentale.

Ainsi avoir témoigné me poussait donc à me justifier de la crédibilité de mon récit à la fois auprès de la justice, mais aussi auprès des personnes qui questionnaient en ligne ce que je disais et comment je le disais.

Or selon moi, le fait de raconter et détailler les violences sexistes ou sexuelles qu’on peut avoir vécu ne rentre pas dans des cases et des règles bien faites et identifiables. Chaque victime potentielle agit en fonction de plusieurs critères qui lui sont propres à savoir son état physique et mental, ses ressources ou bien encore simplement sa volonté. Retrouver le contrôle de nos choix est essentiel après avoir vécu des violences sexuelles car c’est ce qui nous a tant manqué au préalable.

Mais en l’ayant raconté publiquement et les ayant d’une manière identifiée, mes propres capacité à travailler et à être reconnue pour mes succès, mes projets ou mes luttes ont disparues. Je n’étais plus que désignée par le mot “viol” et par tous les hommes qui avaient désiré me posséder ou me pénétrer, impossible de me voir autrement et c’est pour cela que j’ai dû me résoudre à quitter le milieu que j’aimais très très fort. Sommairement, mon nom était lié au sexe, aux hommes et à tout ce qui s’ensuit. Alors aujourd’hui en mars 2025, j’ai été confrontée enfin à leurs deux versions et l’espoir que je mettais dans cette fameuse procédure judiciaire s’amenuise de plus en plus.

Comment en effet pourrais-je prouver la vérité de qui je suis, la profondeur de mes souffrances si la justice française ne me considère pas et ne légitimise pas mon récit et les faits que je dénonce ?

Etre une victime rend profondément nerveuse et angoissée car on peut avoir l’impression de devoir prouver une certaine exemplarité ainsi qu’une certaine cohérence dans nos trajectoires de vie avant et après les faits dénoncés.

Or la douleur mêlée à la colère et au sentiment d’impuissance n’aident absolument pas à la rationalité. Demander aux victimes d’agir parfaitement ne sert qu’aux personnes accusées et permet uniquement de les culpabiliser et leur infliger des douleurs supplémentaires.

Accompagnez les, soutenez les, aidez nous mais n’attendez pas des actes parfaitement cohérents tout au long de nos parcours.

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